Quand un collègue de bureau m’a proposé de venir voir la fête culturelle de sa tribu, à Tchamba, en m’accueillant chez lui, j’ai pas hésité à dire OUI !

Le « oui », c’est d’ailleurs lui qui l’a remporté (haut à la main) en brousse lors du referendum 15 jours avant mon départ dans le Nord. Je partais donc en terre indépendantiste, moi, petite zoreille.

Certains m’auront dit que je suis folle… mais moi j’étais impatiente de voir mon  collègue Gianny foufou chez lui. Ça fait maintenant 7 ans que je vis à Nouméa, j’étais ravie d’être invitée et impatiente d’immerger dans ce monde que je n’avais qu’imaginé.

Voilà mon vécu et ressenti, ni plus ni moins, de mon excursion à Ponérihouen.

Début – Samedi matin

Les locations de voiture, c’est cher ! Moi et mon ami David prenons le car… On voit qu’on va dans le Nord, on est les seuls blancs ! On papote un peu ensemble puis je m’endors dans le calme. J’ouvre les yeux de temps en temps pour regarder un peu la verdure qui défile dehors.

4 ou 5 heures plus tard, on arrive à Ponérihouen. Depuis la guérite (arrêt de bus abrité et tagué au briquet), il reste 14 km pour monter à la tribu de Tchamba. On attend qu’une voiture passe et nous prenne en stop tous les 3, nous deux et un homme de Houaïlou, César, qui est venu voir voir la fête lui aussi. Il est super cool et sa dent en moins ne l’empêche pas de sourire et de rire. On attend longtemps !

Finalement, une jeune femme et sa maman nous montent. La maman (qui est une mamie) nous montre les montagnes et les rivières qui forment les frontières naturelles des tribus. C’est immensément beau, vert et doré de soleil. Dans la vallée, tout le monde cultive un champ, noirs, jaunes et blancs !

Samedi après-midi

On arrive à Tchamba. C’est beauuuuu ! Sur le site de la fête culturelle, il y a des stands partout, une belle scène… mais on ne s’attarde pas, on retrouve la maman de Gianny, Roselyne, qui nous mène jusqu’à chez elle.

On fait un arrêt chez sa sœur qui nous propose du café, c’est gentil Éliane, mais on va rejoindre Gianny d’abord ! On arrive. La maison n’est pas construite par Cap Construction, elle est simple et en bois, tôles et béton. Y’a pas de carrelage ou de lino mais y’a tout ce qui faut et elle est décoré de fleurs colorées de partout.

Les cousins de Gianny (de Païta) sont là, ils boivent le café, on en profite pour se présenter. Ensuite on se dirige dans la maison et faisons la coutume avec nos hôtes. Nous voulons être ici en étant humbles, dans le respect du lieu et des gens, et donner la main quand il faut… On ne veut pas être de simples observateurs.

Après un bon café, on descend tous sur le site de la fête pour que les cousins aillent jouer sur scène et voir les autres groupes. Ils font la coutume au chef pour « ouvrir le passage ». C’est pas parce qu’ils sont mélanésiens qu’ils peuvent aller où ils veulent quand ils veulent. Gianny est métis Païta-Ponérihouen, c’est grâce à lui qu’ils peuvent venir ici. Il est comme un pass, un parrain, le gage que tout se passera bien, un lien. Une fois la coutume terminée, on peut tous se balader où on veut sur le site (ben oui, ailleurs c’est chez les gens).

Je rencontre la présidente du site, Adèle, je suis contente de voir une femme qui a une place importante, un poste à responsabilités… Elle est charismatique (à gauche sur la photo).

Tout le monde est accessible, à l’écoute, gentil et souriant… Notre énorme pastèque prédécoupée nous aide à aller à leur rencontre. On se balade sur le site avec, ça fait bien rire Gianny ! On en propose aux gens, ils aiment bien (et moi j’aime bien les sourires).

Milieu – Samedi soir

On va ensuite voir les membres de l’association d’handicapés de Nouméa, dont fait partie Jean-Mi, un autre collègue à moi…  ils mettent l’ambiance ! Ils dansent avec leurs béquilles et déambulateur, bras en l’air et rigolades, c’est la fêêête !

Les femmes et les mamies se lèvent aussi, faisant danser doucement leurs robes popinées toutes colorées sur le son du kanéka.

On se balade sur le site puis on croise Gianny et ses cousins, on boit un peu, on papote de tout et de rien, aussi de cultures, de projets, de diplômes et d’avenir et qu’il faut consolider la culture pour qu’elle perdure. Puis on rentre avec Roselyne qui nous met dans une chambre et nous prête sa grosse couette… elle est trop gentille.

On papote et on s’endort avec les bruits de la fête au loin. Je me lève dans la nuit pour aller aux toilettes. La lumière est allumée… quand je passe dans la pièce d’à côté je vois des personnes dormir au sol… sans couverture. OK, il fait pas froid mais… pincement au cœur. Je prends conscience que j’ai été accueillie comme une vraie princesse.

Dimanche matin

Après un bon café, on va se balader faire un petit tour avec mon ptit collègue, les yeux encore embrumés. On mange des framboises sauvages, les fougères se la pètent au soleil, feuilles grandes ouvertes, ivres de chlorophylle. On passe dans un champ de taureaux (ils ont des grandes cornes quand même !) et on traverse une passerelle en bois, le silence, le vent, les oiseaux… C’est quoi le stress déjà ?

Hop, café encore ! Puis tout le monde dans le pick-up ! On est 17, tous dans la benne à passer des creeks, les trous, les virages… ça racle un peu mais ça paaaaasse (tranquille). Tout le monde papote, lance des vannes… y’a du soleil aussi dans les gens. 

On arrive au champ d’ignames voir le papa. Pfiouuuu !! La nature ici, elle fait pas dans la dentelle ! Bambous géants, champ d’ananas, ignames (saviez-vous que chaque clan a son igname ?), citrouilles, papayes et j’en passe…  Ils sont « pauvres » ces gens ? Mais ils ont tout ! Nous on a quoi ? Des belles chemises et de la bouffe congelée ?

On descend tous à la rivière et on se pose dans le gazon japonais. Le guitariste-chanteur ne s’arrête plus depuis le café du matin, il joue comme il respire ! Nathalie attrape une grosse crevette de creek qui a des bras immenses !

Je suis amoureuse de cet endroit où tout le monde marche pieds nus, la distance entre nous et la terre n’existe plus… marcher en chaussures c’est comme faire l’amour avec une capote, ça gâche un peu même si ça protège !

Dimanche midi

On rentre pour préparer à manger, on écaille les poissons. Roselyne nous montre comment éviscérer efficacement… ça a l’air facile quand on la voit, moi j’ai failli perdre un doigt ! En retirant les écailles qui bouchent, je remarque que l’eau qui coule sous l’évier a fait naitre un mini jardin tropical. Punaise, mais c’est trop beau, ça s’arrête donc jamais cette beauté ?

C’est l’heure de monter en voiture pour prendre le dernier car pour redescendre à Nouméa. On vient nous chercher, on dit « tata » à tout le monde, un câlin express à Roselyne et hop on part ! Et hop, on rate le car ! Nous voilà bloqués à l’arrêt, sans espoir d’un autre car.

Un petit couple de la tribu s’arrête, on se fait quelques « perroquets », on papote on rigole une heure ou deux puis les cousins de Païta redescendent et nous prennent au passage, heureusement qu’il y avait encore de la place… quoique je serais bien restée ici !

Fin – Dimanche après-midi et soir

Les 2 pick-ups pour Païta se suivent. On s’arrête en route devant un beau paysage (presque banal ici !), ils sortent un grand drapeau kanak.

Les cousins ont insisté pour qu’on pose sur la photo avec eux, à la base on n’osait pas sortir. Puis finalement oui, « kanaky for everybody » ! La vie sans patron, du temps, et la beauté pour maison. De l’entraide, du partage et du love.

C’est très puissant, presque choquant de bonté ! Je suis rentrée les bras chargés de fruits énormes, de citronnelle et d’ignames et la tête pleine de légèreté… Cette aventure est loin d’être un « exploit », croyez-moi, c’était presque un rêve et j’ai déjà envie d’y retourner.

Merci à tous pour votre gentillesse… et vos photos !