Dites-moi, qu’ai-je fait de tous ces grains
Qui se sont enfuit hypocrites,
Comme ces ailes de marguerites
Que j’effeuillais au mois de juin

Ce mois des promesses d’été
Des jeux, des vacances, des filles
Des bouts de cœurs qui s’émoustillent
Trop plein du printemps en allé.

Et sur les plages où traitreusement,
Le sable semblait immuable
Inconscient de l’inévitable.
On jouait à paraître plus grand

La fin des temps c’était septembre.
La fin du monde aussi d’ailleurs.
Dans les lundis chargés de peur.
L’éternité, même, se démembre

Un beau jour, sans nous prévenir,
On prend du galon, paraît-il
Quand l’enfance choisit l’exil,
On nous enseigne le mot avenir

Le sablier, en maquillage,
Se prête au jeu de l’innocent
Discret sur ce qu’il est vraiment
Comme une femme cache son âge.

Arrive la saison des choix,
Le matin de tous les possibles,
La vie parfaite et prévisible
Exempte des chemins de croix

Fini le temps des amourettes
Cette fois, c’est la grande affaire
S’ajoute à nos vocabulaires
Le mot dont abusent les poètes.

Mais toujours le désert s’égraine
Dans les bulles de verre soufflé
Offrant à chacun sans compter,
Et ses calvaires et ses étrennes

Les plus chanceux ont des enfants,
Certains ont jusqu’au superflu,
D’autres se sont échoués sur la rue,
Laissé pour mort, avant leur temps.

Et quelque part entre les deux,
La vaste foule des ordinaires
Dont je suis et suis solidaire.
Chez-moi sera toujours chez eux.

Car je vois bien en vieillissant
Qu’il nous faut de gros caractères
Pour s’aider à y voir plus clair
Pour prendre conscience du temps.

Le temps des perdants est perdu.
Le mien, le sien, le tien, le vôtre.
Le temps des dieux et des apôtres
Avait déjà été vendu.

Il ne me reste que quelques grains
J’essaierai d’en faire bon usage.
Comme pour laisser dans mon sillage
Le sentier d’un meilleur demain.

N’y voyez aucune sagesse
Ce n’est que l’ombre d’une révolte
En souhaitant que d’autres récoltent
Un peu de courage et d’ivresse

L’ivresse de la vérité,
Le courage de rester debout,
Le courage de tenir son bout,
L’ivresse de la liberté.

Écoutez la colère qui gronde.
Vous trouverez chez les exploités
Vos titres de propriétés.
Mes enfants, voici votre monde !

Gilles St-onge (Québec)