Pourtant, j’aimais bien être une licorne. Ça me plaisait de courir dans des nuages roses avec mes amis licornes, nous étions heureux et nous allions toujours plus haut.

La découverte du Paradis

Vivre dans du coton, être heureux et insouciant, rester enfant… tout ça est possible et accessible, même pour les plus pauvres d’entre nous. Un peu de potion magique, liquide, solide ou en poudre et hop, finis les problèmes à résoudre, juste l’allégresse à déguster et les rires à laisser jaillir.

Depuis que je suis ado, je fume. Rigolades et yeux rouges, c’était génial, on sortait des sentiers battus, du chemin tracé par nos parents. Je n’allais plus en cours à la fin de mon parcours, mais j’ai quand même réussi mon Bac Pro. Soyons honnêtes, comment se réveiller une heure après une nuit incroyable à errer dans les rues ?

Le monde m’appartenait, ma vie aussi, n’en déplaise aux bien pensants. Je dormais quand ils vivaient, et mes nuits étaient plus colorées que leurs jours gris et routiniers. J’ai fait ça durant des années.

Beaucoup d’amis différents, de soirées dans tous les coins, mais toujours le vin, qui nous emmenait dans sa vague enivrante, ou la bière, ou le rhum, ou les trois. Comment dire non (et surtout pourquoi) à cette ivresse amicale ? Les amis c’est la vie, la joie c’est en profiter ! Et sans alcool, la fête est plus molle, comment faire des trucs fous à raconter sans ça ? C’est pas en buvant de la soupe ou de la tisane qu’on va y arriver ! Ben si.

Le paradis, t’es sûre ?

Force est de constater que l’alcool ne rend pas vraiment intelligent. Mises à part les discussions sans queue ni tête à partir d’une certaine heure, vous avez déjà fait un blackout (trou noir) ? Moi oui. Et on m’a filmée avant que je m’endorme sur le deck du Kuendu Beach lors d’un concert. J’ai beau me dire que l’Homme est un animal, je ne pensais pas que je pouvais moi-même en devenir un aussi sauvage. Ha oui, c’est super rigolo.

Mais ma dignité est dans un coma éthylique depuis. Un autre jour, j’ai mordu un ami au sang car il me disait de me calmer. Il a encore la marque des années après. Je compte même pas les fois où j’arrivais encore grammée au travail. Réfléchir avec une gueule de bois c’est comme essayer de skier avec des rollers. Ça marche pas très très bien.

Comment profiter de la vie quand celle-ci s’avère être un constant décuvage ? On est mou, on râle, on a envie de rien. Alors que, la veille, le monde nous appartenait, qu’on avait des projets, des déconnades et des tonnes d’idées… Le lendemain, on a mal à la réalité. Aussi à la tête, au ventre, à la fierté, au portefeuille, à son couple, à sa famille. Eux, ils rigolent beaucoup moins que les amis.

Faites le test : allez en soirée sans picoler. Vous verrez que vous êtes drôle, même sans alcool. Regardez vos amis se dégrader au fur et à mesure, ne plus savoir articuler ou marcher. C’est marrant ou c’est ridicule ?

Ça veut pas dire qu’il ne faut plus toucher une goutte, juste s’arrêter avant de sombrer et ne plus contrôler, juste ne plus boire tous les jours, juste limiter, juste faire autre chose. Quitter un peu les automatismes, sortir de cette routine. Et puis conduire bourré, parler bourré, reste souvent (très) compliqué.

Arrêtez de payer

Outre la joie de repartir de soirée en prenant le volant et de faire des grands sourires aux agents de police qui vous feront souffler dans le ballon, profitez de votre liberté, en pleine conscience, à 100% de vos capacités physiques et intellectuelles. On gère tellement (tellement, tellement) bien la réalité sans alcool.

Aujourd’hui, j’ai 34 ans, je me suis tellement calmée que je bois de l’eau dans les soirées et ça m’empêche pas de finir à 2h du mat, juste parce que je suis avec des amis et que c’est cool d’être avec eux (pas non plus absolument toutes, faut pas déconner non plus). Je peux aller courir le matin si je veux, ou juste ne rien faire, mais finis les vomis et les abonnements à la pharmacie pour du Doliprane.

On n’a pas besoin de paradis artificiels (mais eux ont besoin de nous). Prenez le temps, ne soyez pas impatient avec le bonheur. Dans la réalité, il vient peut-être plus lentement mais il est plus long (et comme on dit, plus c’est long, plus c’est bon).

Maintenant, je suis descendue de mon paradis avec ses nuages en plastique et j’ai retiré ma corne sur le front. Je ne suis plus une licorne, mon bonheur existe vraiment et j’ai l’impression d’être un pur sang galopant, crinière au vent. Le paradis est sur Terre, redescendez et restez là.

Je vais pas vous faire la morale, démerdez-vous ! Mais putain… aimez-vous !